CNCDH: « L’exercice effectif du droit de vote et d’éligibilité pour les personnes en situation de handicap doit être une priorité à l’occasion des élections européennes »
30.04.2024

La CNCDH rappelle en tout premier lieu que « les personnes handicapées puissent effectivement et pleinement participer à la vie politique et à la vie publique sur la base de l’égalité avec les autres, […] et notamment qu’elles aient le droit et la possibilité de voter et d’être élues ». (article 29 de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées), et que le droit de voter et d’être élu est aussi protégé par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
À la veille des élections européennes, la CNCDH alerte sur les multiples freins et entraves qui persistent à l’exercice effectif de ces droits :
- des freins matériels : la complexité des démarches (sans aide matérielle ou humaine), la complexité des documents diffusés et des débats, l’ « inaccessibilité globale de l’environnement »
- des freins financiers : les personnes handicapées ont très souvent des frais supplémentaires (interprétariat en Langues des signes, besoin de transport, aménagement du poste de travail) dont le financement est parfois supporté par elles-mêmes
- des freins consécutifs aux idées reçues et préjugés relatifs au handicap
La CNCDH appelle le Gouvernement et les instances européennes à faire de l’exercice effectif du droit de vote et d’éligibilité pour les personnes en situation de handicap une priorité.
La réclamation
En 2018, les associations françaises Unapei, APF France Handicap, l’Unafam et la FNATH, représentées par le European Disability Forum et Inclusion Europe, ont porté une réclamation contre la France auprès du Comité européen des droits sociaux. Dans une décision rendue publique le 17 avril 2023 et adoptée par la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) le 20 avril 2023, le Comité européen des droits sociaux considère que la France a violé plusieurs articles de la Charte sociale européenne, au regard des droits des personnes handicapées.
Les associations françaises considèrent qu’en France, les personnes handicapées
- ne bénéficient pas du droit aux services sociaux (art. 14§1)
- ne bénéficient pas du droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale (art. 30)
- n’ont pas un accès suffisant et effectif aux services d’aide sociale et aux équipements (art. 15§3)
- ne bénéficient du droit au logement (art. 31§1 et 3)
- ne bénéficient pas du droit à la santé (art. 11§1)
Les associations françaises considèrent qu’en France, les familles des personnes handicapées sont placées dans une situation de vulnérabilité
- ne bénéficient pas de leur droit à la protection sociale, juridique et économique (art. 16)
- ne bénéficient pas du droit des travailleurs ayant des responsabilités familiales à l’égalité de chance et de traitements (art. 27§1)
Les observations de la CNCDH
Le président de la CNCDH en qualité d’Institution nationale des droits de l’homme. Le Comité s’est largement appuyé sur l’analyse de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) remise en juin 2020 pour rendre sa décision.
« En France, les personnes en situation de handicap sont actuellement encore discriminées, souffrent d’une forme d’exclusion sociale et les entraves à leur autonomie et pleine participation à la vie de la société perdurent, faute de réponse coordonnée et suffisante ».
CNCDH
Lire les observations de la CNCDH.
La décision du Comité
- dit qu’il y a violation de l’article 15§3 de la Charte en raison du manquement des autorités à adopter des mesures efficaces pour remédier aux problèmes de longue date liés à l’accès insuffisant aux services d’aide sociale dans un délai raisonnable.
- estime que […] les autorités n’ont pas adopté de mesures efficaces dans un délai raisonnable en ce qui concerne l’accessibilité des bâtiments, installations, logements et transports publics
- dit que le gouvernement n’a pas adopté une politique coordonnée d’intégration sociale et de participation à la vie de la communauté comme l’exige l’article 15§3
- dit qu’il y a violation de l’article 15§1 au motif que les autorités n’ont pas pris de mesures efficaces en temps utile pour remédier aux problèmes persistants de longue date, liés à l’inclusion des enfants et adolescents handicapés dans les écoles ordinaires.
- dit qu’il y a violation 11§1 au motif que les autorités n’ont pas adopté de mesures efficaces dans un délai raisonnable pour remédier aux problèmes persistants d’accès aux services de santé des personnes handicapées.
- dit que la pénurie de services de soutien et le manque d’accessibilité des bâtiments, des installations et des transports font que de nombreuses familles dans des conditions précaires, en violation de l’article 16.
Enjeu juridique et diplomatique
- Après avoir fait l’objet d’un rapport très critique par le Comité des Nations Unies pour les droits des personnes handicapées en 2021
- Après avoir fait l’objet d’un rapport très critique par la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les droits des personnes handjcapées en 2019
- À la veille du 4e cycle de l’Examen périodique universel
- Alors que la France est candidate pour un nouveau mandat au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies
La CNCDH a adopté la décision du Comité le 20 avril et considère que celle-ci doit être perçue par les pouvoirs publics comme une chance pour continuer à opérer ce changement de paradigme, autour de quatre axes : a) autonomie, intégration sociale et participation à la vie de la communauté ; b) éducation et formation professionnelle ; c) accès aux services de santé ; d) protection de la famille. La CNCDH, à la suite du Comité, invite à mieux structurer la politique déjà impulsée par la Conférence nationale du handicap et les échéances semestrielles de la feuille de route du Comité interministériel du handicap.
En conséquence, la CNCDH exhorte les pouvoirs publics à prendre en compte les observations formulées par le Comité et insiste pour que soit poursuivi le changement de paradigme vers une politique du handicap fondée sur une approche par les droits des personnes en situation de handicap.